Nuit bleue
Le son de ma voix résonnait encore dans ce vide surréaliste : tel un appel inconscient à quitter ma route, à poursuivre ma destinée hors de ce sentier tracé par d'autres et qui ne m'apporterait que la complaisance des certitudes illusoires.
C'est ainsi que mes pas me portèrent jusqu’à cette plaine déserte où le vent jouait dans les blés jamais moissonnés et où la pluie effaçait chaque jour un peu plus les vestiges d’une civilisation jadis prospère. Ici et là, on pouvait distinguer les ruines d’une colonne écroulée, un vitrail brisé, une coupe rouillée par le temps, un drap déchiré par Sa colère.
Je marchai à travers les débris d’une vie accidentée. Attendri par cette désolation familière, mon pied butta contre l’arête d’un vieux livre qui faillit me faire tomber. Je me penche, le ramasse et, de la paume de la main, époussette le cuir pour tenter d’y lire les restes d’une feuille d’or depuis longtemps effacée. Le retournant délicatement, je l’ouvre et découvre les cendres d’une écriture à peine lisible tant la main de l’écrivain devait trembler devant son œuvre.
Ne pouvant déchiffrer un seul mot, je déposai respectueusement l’ouvrage, cuir contre terre. Le vent descendant des montagnes s’amplifia alors et s’aventura au gré des pages de l’auteur inconnu. Au fur et à mesure que les pages tournaient, les mots tracés à l’encre, telles des cendres séchées, s’envolèrent peu à peu. Bientôt ce ne fut plus qu’un amas de pages vierges qui se bousculaient aux caprices du vent.
Je m’agenouillai alors au milieu de mon inconscient et souffris d’une plaine où soufflait la désolation et la nostalgie. Une cathédrale s’élevait ici jadis. Entre quatre rangées de colonnes de marbre blanc, un pavement d’ophites conduisait le visiteur jusqu’au maître-autel, au-delà d’un transept s’élevant jusqu’aux pieds du ciel. Gravé à la feuille d’or, le Verbe passionné, s’y déversait en flots salvateurs et déclamait sa verve dans le cœur de ceux qui, un jour, furent foudroyés par sa force.
Et pourtant, bâtisseur de ce lieu saint entre tous les lieux saints, voilà qu’Il me fallut le détruire. Voilà qu’Il me fallut démonter, pierre après pierre ce que toute une vie n’eut pas suffit à découvrir. Mais comment pouvais-je étouffer cette voix qui ne cessait de hurler au fond de moi ? Comment pouvais-je atteindre et déraciner ce lierre qui, petit à petit, s’était lié à mon âme et l’étreignait encore avec une telle violence ? Comment brûler et consumer ces Ecritures qui prophétisaient l’accomplissement et la richesse de l’âme lorsque, lié à un seul cœur, celle-ci s’enivrait d’un bonheur à peine espéré et d’un Amour foudroyé.
C’est uniquement par folie, par cette folie destructrice qui me poussait à croire que tout pouvait recommencer, que ce qui avait été détruit pouvait être reconstruit, ailleurs, autrement, avec la même Foi mais sous d’autres lois. Et c’est animé de cette fièvre enivrante que j’arrachai ce corps devenu étranger à mon âme et que je mis le point final à ce rêve qui me fit découvrir des terres inconnues et des trésors insoupçonnés.
La dernière colonne renversée, le dernier livre brûlé, je m’agenouillais au milieu de ce dernier champ de bataille. Une chaleur étrange parcourait mes veines et, le souffle redevenu régulier, j’ouvris les yeux pour la première fois cette nuit-là. Je découvrais mes mains couvertes d'un fluide bleuté, ce fluide vital d’une plume qui jamais plus ne pourra déverser ni passion ni colère. Ce même fluide avait tracé sur ma peau les cicatrices de ce combat à mort et couvrait le ciel d'une toile opaque que nul rayon céleste ne pouvait percer.
C'était une nuit de deuil et de renaissance.
C'est une nuit de doutes et d'espérances.
Cette nuit était bleue.
C'est ainsi que mes pas me portèrent jusqu’à cette plaine déserte où le vent jouait dans les blés jamais moissonnés et où la pluie effaçait chaque jour un peu plus les vestiges d’une civilisation jadis prospère. Ici et là, on pouvait distinguer les ruines d’une colonne écroulée, un vitrail brisé, une coupe rouillée par le temps, un drap déchiré par Sa colère.
Je marchai à travers les débris d’une vie accidentée. Attendri par cette désolation familière, mon pied butta contre l’arête d’un vieux livre qui faillit me faire tomber. Je me penche, le ramasse et, de la paume de la main, époussette le cuir pour tenter d’y lire les restes d’une feuille d’or depuis longtemps effacée. Le retournant délicatement, je l’ouvre et découvre les cendres d’une écriture à peine lisible tant la main de l’écrivain devait trembler devant son œuvre.
Ne pouvant déchiffrer un seul mot, je déposai respectueusement l’ouvrage, cuir contre terre. Le vent descendant des montagnes s’amplifia alors et s’aventura au gré des pages de l’auteur inconnu. Au fur et à mesure que les pages tournaient, les mots tracés à l’encre, telles des cendres séchées, s’envolèrent peu à peu. Bientôt ce ne fut plus qu’un amas de pages vierges qui se bousculaient aux caprices du vent.
Je m’agenouillai alors au milieu de mon inconscient et souffris d’une plaine où soufflait la désolation et la nostalgie. Une cathédrale s’élevait ici jadis. Entre quatre rangées de colonnes de marbre blanc, un pavement d’ophites conduisait le visiteur jusqu’au maître-autel, au-delà d’un transept s’élevant jusqu’aux pieds du ciel. Gravé à la feuille d’or, le Verbe passionné, s’y déversait en flots salvateurs et déclamait sa verve dans le cœur de ceux qui, un jour, furent foudroyés par sa force.
Et pourtant, bâtisseur de ce lieu saint entre tous les lieux saints, voilà qu’Il me fallut le détruire. Voilà qu’Il me fallut démonter, pierre après pierre ce que toute une vie n’eut pas suffit à découvrir. Mais comment pouvais-je étouffer cette voix qui ne cessait de hurler au fond de moi ? Comment pouvais-je atteindre et déraciner ce lierre qui, petit à petit, s’était lié à mon âme et l’étreignait encore avec une telle violence ? Comment brûler et consumer ces Ecritures qui prophétisaient l’accomplissement et la richesse de l’âme lorsque, lié à un seul cœur, celle-ci s’enivrait d’un bonheur à peine espéré et d’un Amour foudroyé.
C’est uniquement par folie, par cette folie destructrice qui me poussait à croire que tout pouvait recommencer, que ce qui avait été détruit pouvait être reconstruit, ailleurs, autrement, avec la même Foi mais sous d’autres lois. Et c’est animé de cette fièvre enivrante que j’arrachai ce corps devenu étranger à mon âme et que je mis le point final à ce rêve qui me fit découvrir des terres inconnues et des trésors insoupçonnés.
La dernière colonne renversée, le dernier livre brûlé, je m’agenouillais au milieu de ce dernier champ de bataille. Une chaleur étrange parcourait mes veines et, le souffle redevenu régulier, j’ouvris les yeux pour la première fois cette nuit-là. Je découvrais mes mains couvertes d'un fluide bleuté, ce fluide vital d’une plume qui jamais plus ne pourra déverser ni passion ni colère. Ce même fluide avait tracé sur ma peau les cicatrices de ce combat à mort et couvrait le ciel d'une toile opaque que nul rayon céleste ne pouvait percer.
C'était une nuit de deuil et de renaissance.
C'est une nuit de doutes et d'espérances.
Cette nuit était bleue.
1 Comments:
Ainsi soit-il.
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