vendredi, août 04, 2006

Genèse - Divine

Depuis les doigts des fées qui m’ont donné naissance, j’ai fait ce long voyage. Croisant tantôt des Nymphes aux lyres dorées, tantôt des sibylles aux destins brisés, j’ai parcouru des mois et des années pour enfin paraître dans cet étrange lieu où nous nous sommes mutuellement esquissés.

Dès l’instant où tu te montras affable et intéressée, je te prévins de l’éphémérité de notre vie commune. Notre histoire … ton histoire, bien qu’elle puisse être étincelante, voire envieuse, ne sera jamais qu’un voyage d’une aube au crépuscule. Enfin, lorsque ton dernier souffle t’emportera, alors, tu comprendras que notre rencontre fut la seule, l’unique, celle que tu auras attendu toute ta vie, celle dont tu te languiras depuis le jour où nous nous sommes étreints.

Tu voulais que notre idylle soit cachée et protégée de lui, de tous. Tu voulais que ce jour soit parfait et que la synergie de notre union resplendisse sur les colonnes et les pavés de notre sainte maison. Mais tu savais déjà que leurs regards nous souilleraient. Tu pressentais que le malheur s’abattrait dès que leur lumière nous ombragerait.

Tu l’aimais trop. Tu l’aimais trop pour lui refuser ce sacrifice anonyme. Lorsque le jour fut venu, qu’avais-tu retenu de notre rencontre ? Pourquoi n’arrivais-tu pas à te souvenir de ta propre mort ? Et maintenant que tu y es confrontée, pourquoi diriges-tu tes funestes pensées vers moi ? Qui suis-je donc pour être l’élue de ces dernières secondes ?

Je crus tout d’abord que c’était le hasard qui nous avait rapproché … et puis tu m’as étreinte et alors j’ai su. J’ai su que je te retrouvais enfin, pour te perdre à l’aboutissement de cette étrange union. A l’aube de notre unique rencontre, je profitai de la paix qui m’entourait pour me parer des atours qu’ils désiraient et attendre la délivrance dont toi seule avait la clé.

Enfin vint le jour où tu m’apportas la lumière. Mais, toi non plus, tu ne pouvais savoir que ce jour allait retentir au fond de toi comme aucun autre ne l’avait fait auparavant. Nous ne formions plus qu’une. Toi et moi. Et le sang qui parcourait tes veines réchauffait mon cœur asséché par les larmes de mes deuils antérieurs. Sa cadence devint bientôt un torrent brûlant qui allait, pour un jour et une nuit, nous emporter jusqu’à ce lit de mort où tu gis ce soir.

Il y eut tout d’abord les fleurs : des roses … blanches, bien sûr. Une pour chacun d’entre eux. Ensuite, vint cet autre, celui pour qui tu allais m’abandonner le soir même. Le preux avait revêtu son armure. Fier et sûr de lui … mais beau aussi. Tu l’aimais et je ne pouvais plus faire semblant de l’ignorer.

Son regard me transperça pour la seule et unique fois, ce jour-là. Et déjà, je sus qu’il n’avait que faire de ma présence. Pourtant, je compris que, lui non plus, ne saurait jamais que le sang qui coule pour lui, en toi, était également le mien. A peine avait-il deviné que j’étais déjà morte dans tes bras.

Il nous attendait … et nous nous avançâmes vers lui. Il était subjugué par notre beauté. Il ne pouvait s’empêcher d'être jaloux, même s’il était trop confiant pour imaginer te perdre à cet instant. Et pourtant, c’est à ce moment que tu eus cet ultime doute ; celui qui te fit regarder en arrière … mais déjà tu ne me voyais plus. Rien n’aurait pu enrayer cette course folle où je t’avais, malgré moi, entraînée.

Note après note, la course folle atteignit son apogée funeste lorsqu’il nous tendit la main, tel un bourreau à sa prochaine victime. N’écoutant que ton corps non assez meurtri de mes turpitudes, tu acceptas l’invitation qui t’était faite sans ignorer que ce geste allait sceller, à jamais, l’anéantissement des serments que nous avions formulés.

Je n’en pouvais plus de leurs regards et leurs murmures m’avilissaient. Je te suppliais d’abréger mes souffrances par un abandon ultime et irréversible. Mais enivré par son corps et ses mots, tu n’entendais plus mes suppliques et, déjà, tu avais oublié ma présence à tes côtés.

Malgré cette mort qui venait de m’être annoncée par ton silence, je ressentis ton cœur battre de plus belle. A l’aube du déferlement de ce torrent glacé qui allait m’emporter, je ressentis une émotion inconnue s’emparer de nos êtres. Ton corps frissonnant contre le mien, ces quelques perles s’évaporant de ton diadème, ce léger tremblement dans le son de ta voix et ce souffle haletant présageaient l’arrivée de mon funeste départ.

Après avoir reçu l’anneau doré qui allait rester, après sa mort et bien après la mienne, sa seule présence auprès de toi, tu m’invitas à la rencontre de ma propre fin. Tu étais heureuse, et il avait réussi à t’enchaîner à son âme. Même après sa mort, ses chaînes t’attireront dans un tourbillon qui ne cessera jamais de t’engloutir.

Tu étais la reine de notre Royaume et sitôt les chaînes imposées, je m’effaçais à leurs yeux pour ne plus qu’être “l’autre”. Commença alors cette agonie infiniment longue et douloureuse. Et même si leur indifférence me glaçait le sang, ce n’était rien à côté de ton oubli.

Nous nous étions promis de nous aimer jusqu’à sa fin et, pour te protéger, tu as préféré faire comme eux. Nous étions unies et nous nous aimions ; il a fallu cette douce et voluptueuse nuit pour enfin te revoir anéantie par le temps et l’absence. Cette peau douce et délicate a souffert les assauts du temps et le chant qui parvint maintenant à mes oreilles n’est plus cette délicieuse mélodie de jeunesse mais un râle de souffrance imprégnée d’agonie.

Ce soir où l’âge n’est plus une frontière et où la mort même n’est plus un passage, tu as voulu me revêtir une dernière fois pour comprendre l’Amour qui nous unissait jadis.





Penchée contre ton cœur
Je sens le froid t’emporter à jamais.

Tu pleures
Et je maudis ceux qui t’ont prise.




La robe de mariée.